Épilogue : Princesse Cathàn

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« Alors, qu’est-ce que c’était, tout ce bazar ? » demanda Ostine.

Dans son salon privé, elle recevait Sigmar et Gunnolvur.

« En tout cas, ce ne sont pas des elfes montagnols des colonies que nous connaissons. D’après Dorsa en tout cas, ajouta la jeune femme.

– Au vu de leur maitrise magique, ils sont probablement originaires d’un empire puissant. Un portail de téléportation, ce n’est pas courant, dit Sigmar, les mains croisées.

– Tellement peu courant que tout le monde pensait que ça n’existait pas ! ajouta la matrone.

– C’est une secte religieuse. Ils se préparent peut-être depuis le cœur de l’Empire Hangmata même. »

Ostine posa sa tête sur sa main gauche, la lèvre inférieure en avant.

« J’aimerais surtout savoir pourquoi ils ont voulu capturer la fille d’une de mes courtisanes. »

Gunnolvur croisa les mains et fronça les sourcils.

« Ces sectes ont toutes des rituels… particuliers.

– Quels genres de rituel ? Vous les connaissez ? demanda Sigmar.

– Cela n’a aucune importance. Face à eux, seule l’extermination fonctionne. » dit-il avec un air grave.

Ostine leva les yeux au ciel.

« Rien que ça ! Écoutez, ce n’est pas de mon ressort, mais il va falloir renforcer la sécurité de Lakon. » déclara-t-elle en se levant.

« Et la courtisane qui avait aidé les mercenaires ? Où est-elle ?

– Téméni ? Je l’ai envoyé vendre des radis dans un avant-poste dans l’arrière-pays. Ça lui remettra les idées en place. » dit Ostine en poussant un soupir.

« J’espère que ça ne se reproduira pas. Nous n’aurons pas toujours autant de chance que cette fois-ci. »

« Nous y veillerons » répondit Gunnolvur.

La semaine suivante, le Temple de Nacre avait organisé une grande soirée pour célébrer la fin des troubles et surtout, faire rentrer des devises dans les caisses de la matrone.

Cathàn y participait. Elle avait passé les derniers jours à s’occuper de Salpi. La petite n’avait pas été troublée très longtemps et s’était vite remise de son plongeon dans la rade du port.

La disparition de Saro l’avait affligée. Elle ne le portait plus dans son cœur, cela va sans dire, mais elle ne pensait pas qu’il méritait pour autant de finir dans une faille dimensionnelle ouverte par une secte.

D’après Éortéïs — cela vaut ce que ça vaut — il avait simplement été téléporté autre part, probablement dans un autre endroit de l’archipel, et était donc vivant, selon toutes conjectures. Mais le restera-t-il longtemps…

Malheureusement, il n’y avait rien qui puisse être fait, et il fallait passer outre ; Cathàn avait déjà fait le deuil de sa séparation depuis un moment. Salpi, pour la soirée, avait été confiée à Késia, qui à défaut d’être une courtisane de grande distinction, ne risquait pas de lui kidnapper sa fille.

Cathàn voulait se changer les idées. Elle avait commandé une robe vert céladon fendue sur les côtes, dont le col bénitier profond et une ceinture de cuir noir serrée mettaient en valeur sa poitrine. En sus, elle s’était fardé les yeux et avait peint ses bras de bandes blanches qui soulignaient sa silhouette. Accoudée au comptoir, elle se demandait sur qui elle jetterait son dévolu.

« Madame, c’est offert par un client. » lui dit un serveur en lui présentant une coupe de verre et d’argent finement ciselée qui contenait un vin qui, d’après ses arômes, devait coûter cher.

Elle regarda par-dessus son épaule. Il s’agissait de Gunnolvur.

« Madame, celui-ci aussi… » intervint un deuxième serveur qui lui fit passer une boisson colorée, mélange entre l’alcool fort des Syraques et des jus de fruits appréciés des jeunes varègues.

Cathàn se retourna. C’était Volker.

« Vous ne perdez pas votre temps, tous les deux… » dit Cathàn avec un sourire.

Le fils s’approcha à grands pas.

« Père, vous êtes ici. Je pensais que vous auriez encore des choses à faire au conseil… s’étrangla-t-il. »

Le père regarda son fils et ce qu’il avait offert à Cathàn.

« Hm, un cocktail ? Ce n’est pas avec ce genre pingrerie que tu vas séduire une femme… qui plus est une princesse… »

Cathàn bomba le torse. Elle aimait toujours autant la remarque.

« P-père, dois-je vous rappeler que vous contrôlez encore mes finances… »

Il prit une grande inspiration.

« Et ces vieux vins sont surannés ! Vous ne savez pas y faire avec les jeunes femmes ! »

Le conseiller leva un sourcil. Une remontrance de son fils ? C’était bien la première fois.

Cathàn, au milieu, observait cette passe d’armes entre le père et le fils avec une joie difficilement dissimulée. Mais cette fois, il allait être difficile de les départager…

« Volker ? » dit soudainement une voix.

C’était Dorsa. Vêtue d’une robe en soie tellement proche du corps qu’on aurait dit une seconde peau, décolleté jusqu’au nombril, elle se pencha sur le jeune homme et lui posa sa main sur l’épaule.

« Tu ne voudrais pas venir de ce côté ? Je nous ai réservé une alcôve privée. »

Volker abandonna la lutte contre son père et la suivit sans hésitation. Cathàn ne pouvait pas lui en vouloir ; l’elfe montagnol était à couper le souffle.

Elle se retourna vers Gunnolvur.

« Alors comme ça, nous serons tous les deux ce soir ? » dit-elle avec un petit sourire.

S’il était question d’oublier Saro, nul doute que Cathàn avait été satisfaite. Comme souvent avec le conseiller Gunnolvur, elle ne sentait plus son bassin à l’issue de sa nuit.

« J’aurais dû inviter quelqu’un en plus… » marmonna-t-elle en se relevant.

Son petit quotidien recommença ainsi. Elle participait aux soirées, aux banquets et aux concerts que le Temple de Nacre organisait. Pourtant, après quelques semaines, force fut de constater que l’humeur n’y était pas. Non pas qu’elle soit maussade, mais la mésaventure qu’elle avait vécue s’était répandue parmi les clients les plus importants, et elle n’attirait plus autant de monde qu’avant. Volker était déjà pris par Dorsa et Gunnolvur, bien que sympathique, avait une telle différence d’âge que leur histoire n’allait pas plus loin.

Contre toute attente, ce fut Sigmar qui apporta une solution.

« Une proposition de mariage ?! s’étonna Ostine, qui recevait le conseiller dans son salon.

– Oui. Un de mes jeunes neveux cherche une nouvelle femme, et Cathàn semble tout à fait appropriée. » expliqua Sigmar.

La matrone pencha la tête et leva un sourcil.

« Et pourquoi elle ? Je vous rappelle qu’elle a déjà un enfant.

– Vous savez que ça ne nous dérange pas. Mais une jeune princesse comme elle serait très appréciable.

– Je pensais que vous ne cherchiez pas ce genre de légitimité. Après tout, vous vous définissez vous-même comme pillard et pirates…

– La situation sur l’île d’Aïn a changé… Mais vous devez déjà être au courant. Nous avons besoin que notre lignée perdure, et c’est ma branche qui a choisi de s’en charger. Marier ce jeune prince à de la noblesse insulaire nous permettrait de nous stabiliser.

– Moi, ça ne me dérange pas. Surtout avec la somme que vous proposez. Mais il faudra voir avec l’intéressée. »

La proposition fut portée à Cathàn sans délai. Les formes furent mises : Sigmar prépara un parchemin des plus sérieux, signé et contresigné par le chef de la maison des Njords et de la maison Sillkung, qui n’était rien de moins que l’actuel Roi des Varègues, et qui demandait officiellement sa main pour un mariage officiel sur l’île principale des Varègues.

L’ancienne princesse de Manach fut d’abord interloquée, puis considéra l’offre sérieusement.

« Après tout, voilà enfin quelque chose qui ressemblerait à ce que j’aurai dû toujours vivre. » pensa-t-elle.

Elle regarda le plafond un instant. C’était un mariage arrangé, mais il allait enfin la remettre dans son monde, celui de la noblesse de l’archipel.

« Et ce prince, comment est-il ?

– C’est mon neveu, expliqua Sigmar. Il doit avoir un ou deux ans de plus que toi. Il me ressemble un peu, regarde. »

Il lui tendit un croquis au fusain sur un papyrus ; ce n’était pas un portrait détaillé, mais il figurait un jeune homme, d'un peu moins d'un mètre quatre-vingt, élancé et la taille fine, se tenant droit, de visage avenant et bien proportionné. Ses cheveux étaient du même bleu cobalt que son oncle, une caractéristique qui devait être familiale.

« Je dois te prévenir qu’il a déjà deux femmes, et un enfant, de trois ou quatre ans. Ça ne te dérange pas ?

– Je sais déjà que vous êtes polygames… mais je pourrais emmener Salpi ?

– Oui, aucun problème. Il est déjà au courant. »

Cathàn regarda à nouveau le portrait. Dans un sens, ce jeune homme pouvait être à son goût… et s’il avait un caractère similaire à son oncle, alors il se pourrait qu’ils aillent bien ensemble…

« C’est d’accord. J’accepte de le rencontrer, pour commencer. »

Sigmar ne put retenir un large sourire.

« Parfait ! Une flotte viendra vous chercher la semaine prochaine. »

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