« Vous êtes déjà au courant, mais Téméni a quitté le Temple de Nacre. Avec la fille de Cathàn. »
Ostine avait réuni son personnel dans le salon principal, ainsi que la plupart de ses courtisanes importantes. Chose rare, elle avait même fermé le cabaret.
« P… pourquoi ? Et elle est partie où ?! s’exclama Késia.
– Pourquoi ? La jalousie, c’est évident. » dit Ostine en se laissant tomber sur son fauteuil.
« Quant à où elle est actuellement, nous ne savons pas, mais nous avons une bonne raison de croire qu’elle… commença Dorsa.
– est partie rejoindre Saro dans le camp mercenaire. Et je m’y rends de ce pas. » déclara Cathàn sur un ton froid et déterminé.
« Attends, coupa Ostine.
– Oui, tu ne vas pas prendre d’assaut un camp de mercenaire toute seule ! C’est trop dangereux ! » s’exclama Lauchan.
Cathàn se retourna, et leva un sourcil alors que son visage était déjà contorsionné par la colère. La fourrure de ses oreilles devint hirsute et on sentait une aura furieuse émaner d’elle.
« Dangereux ? Je suis une combattante, une princesse, je me suis déjà rebellée contre mon roi ; un camp de mercenaire, ça ne me fait pas peur ! » déclara-t-elle en tapant du pied.
Ostine, tout en gardant son calme, se redressa.
« Je suis ta maitresse, ne l’oublie pas. C’est moi qui décide ce que nous ferons, et je ne veux pas rentrer en conflit direct avec les mercenaires. Pour le moment, tu restes ici.
– Parce que tu crois que je vais accepter de rester ici alors que ma fille a été kidnappée ?
– C’est aussi celle de Saro et il a des droits dessus. Et je n’ai pas dit que je ne ferais rien. Je vais contacter le conseil de Lakon. Ils prendront des mesures. Je te demande de patienter jusque-là. »
Cathàn prit une grande inspiration. Les poils de sa fourrure reprirent une apparence plus calme et son nimbe de rage s’estompa. Elle quitta la pièce en claquant la porte.
« Ce n’est peut-être pas une bonne idée de la retenir comme ça, dit Dorsa. Qui sait ce qu’elle pourrait tenter… »
Ostine se rassit sur sa chaise et posa son menton dans sa main.
« Ne te méprends pas. Je ne veux pas qu’elle déclenche une vendetta contre les mercenaires, mais je ne vais pas laisser cet affront impuni. Téméni et Saro m’ont trahi en commettant un kidnapping dans mon cabaret. Le conseil prendra des mesures, je peux te l’assurer. »
Téméni parvint jusqu’au campement mercenaire. Saro et Kerdin l’attendaient dans une pièce de l’arrière-boutique de la taverne.
« Comme tu me l’as demandé, voici la fille de Cathàn, dit la Femme-Lézard à Kerdin.
– Et aussi la mienne. » coupa Saro en lui prenant le bébé des bras.
Salpi n’était pas très contente, surtout après avoir été réveillée et trimbalée à l’autre bout de la ville. Mais voir son père lui rendit le sourire quelques secondes. Sa queue s’agita un peu, et comme le calme revenait, elle s’endormit aussitôt.
« Ça faisait longtemps. » dit le mercenaire garache en passant ses doigts sur la fourrure de ses oreilles.
« Content que ses retrouvailles te plaisent, mais nous devons partir au plus tôt. »
Saro se leva. Il avait déjà enfilé son équipement de combat : une épée longue à la ceinture, une armure de cuir, des bottes hautes, un pantalon à multiples poches qui laissait passer sa queue de loup.
« Je suis prêt.
– Notre navire nous attendra ce soir au port. Nous partirons au milieu de la nuit.
– Moi aussi ? demanda Téméni, inquiète. Je croyais que tu allais m’aider à rentrer au cabaret… »
Kerdin se rapprocha de la salamandre et lui posa la main sur l’épaule.
« Ma chérie, tu ne croyais tout de même pas pouvoir rentrer comme une fleur au Temple de Nacre après avoir trahi Ostine et kidnappé la fille d’une de ses courtisanes ?
– Mais qu’est-ce que… qu’est-ce que je vais faire maintenant ? » s’étrangla Téméni.
Kerdin lui passa le bras autour de la taille, et sans perdre de son sourire, elle pointa Saro.
« Maintenant, tu as un amant tout désigné. Un capitaine mercenaire, c’est un bon parti. »
Elle se rapprocha une dernière fois de la jeune femme et lui glissa à l’oreille :
« Tu n’as plus le choix maintenant. »
Kerdin s’éloigna comme si de rien n’était.
Saro était devant la porte, la main sur la poignée. Il aurait quand même bien aimé convaincre Cathàn, mais ils avaient tous les deux des idées bien arrêtées, et il ne pouvait pas la forcer par des moyens conventionnels.
« C’est la meilleure solution. » se murmura-t-il à lui-même avant de partir pour le port.
La nouvelle de la disparition de Salpi était aussi parvenue aux clients du cabaret.
Les yeux de Volker brillaient dans la pénombre. Assis sur son lit et torse nu, il réfléchissait.
« Tu penses à Cathàn ? demanda Dorsa en l’enlaçant.
– Je pense à Salpi. Je ne croyais pas que Saro serait allé jusqu’à l’enlever. Ça ne se passera pas comme ça ! Mon père va réagir. »
Il marqua une petite pause. Dorsa poussa un soupir.
« Tu veux y aller toi-même ? Dépêche-toi. Tu as toujours été comme ça. »
Elle n’avait pas terminé sa phrase qu’il avait sauté sur ses deux pieds et qu’il essayait d’attacher son épée à sa ceinture.
« Je serais de retour demain matin ! déclara-t-il, motivé.
– Très bien, mais n’oublie pas de mettre un pantalon… » soupira Dorsa.